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Guide pratique pour le dépistage des néoplasies cervicales

Chapitre 3 / Analyse et compte-rendu des résultats de l’inspection visuelle avec le soluté de Lugol (IVL)

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Instruments et matériel requis Préparation du soluté de Lugol Dissoudre 10 g d’iodure de potassium dans 100 ml d’eau distillée. Une fois l’iodure de potassium complètement dissout, ajouter 5 g d’iode. Bien agiter jusqu’à ce que les paillettes d’iode se soient complètement dissoutes.

La solution doit être stockée dans un récipient hermétiquement fermé afin d’éviter l’évaporation de l’iode et la perte de son pouvoir colorant.



Compétences nécessaires à la pratique du test La personne chargée de procéder à l’ inspection visuelle du col doit posséder de solides connaissances en anatomie, physiologie et pathologie du col. Il/elle doit connaître les caractéristiques cliniques associées aux conditions bénignes, à l’inflammation, aux lésions précancéreuses et au cancer invasif du col.

Modalités de l’examen Toute femme orientée vers ce test, doit bénéficier d’une explication détaillée concernant le déroulement de l’examen de dépistage. Elle devra signer un formulaire de consentement éclairé avant le début de l’examen. On trouvera en Annexe 2 un exemple de ce formulaire. Il faut également s’informer de ses antécédents gynécologiques et obstétricaux, et les consigner à l’aide d’une fiche établie à cet effet (Annexe 3). Enfin, il est important de rassurer la patiente en lui expliquant que l’examen n’est pas douloureux, et tout doit être mis en œuvre pour qu’elle soit parfaitement détendue et ne ressente aucune gêne durant toute la durée de l’examen.

La femme est invitée à s’allonger en position gynécologique sur une table d’examen équipée de supports pour les jambes ou les genoux, ou d’étriers. Une fois qu’elle est correctement installée, notez tout d’abord s’il y a des pertes vaginales. Recherchez ensuite au niveau des régions génitales externes et sur le périnée, toute trace d’écorchures, d’œdème, de plaie ou d’ulcération, ainsi que la présence de vésicules, de papules ou de verrues. Recherchez également dans la région fémoro-inguinale tout signe d’inflammation ou d’augmentation de volume des ganglions.

Commencez par nettoyer la vulve à l’aide d’un écouvillon ou d’une compresse imbibée d’un liquide antiseptique. Introduisez ensuite doucement un spéculum vaginal stérile, qui aura été préalablement immergé dans de l’eau chaude, et ouvrez les lames du spéculum afin d’observer le col. Réglez la source de lumière de façon à obtenir un éclairage correct dirigé sur le vagin et sur le col. Une fois le spéculum ouvert et les lèvres immobilisées ; le col devient parfaitement visible. Examinez sa taille et sa forme.

Identifiez l’orifice externe, l’épithélium cylindrique (de couleur rouge), l’épithélium pavimenteux (de teinte rose), la jonction pavimento-cylindrique, et la zone de remaniement dont la limite supérieure est constituée par la jonction pavimento-cylindrique. Souvenez-vous que les néoplasies cervicales se développent dans la partie de la zone de remaniement la plus proche de la jonction pavimento-cylindrique. Recherchez l’ectropion, les polypes cervicaux, les kystes de Naboth, des cicatrices obstétricales sur les lèvres du col, des signes de leucoplasie, de condylomes et de cervicite. Après la ménopause, le col apparaît pâle et fragile. Cet aspect est dû à l’amincissement et à l’atrophie de l’épithélium pavimenteux. Notez les caractéristiques des écoulements en termes de quantité, de teinte, d’odeur et de consistance. Un écoulement transparent, mucineux, d’aspect glaireux, à partir de l’orifice externe, se voit avant l’ovulation. En période de menstruation, on observe un écoulement sanguin à travers l’orifice externe. Dans ce cas, il sera préférable de revoir la patiente pour une IVL, 5 à 15 jours plus tard.

L’ectropion se traduit par la présence sur le col d’une large zone rouge entourant l’orifice externe, et une jonction pavimento-cylindrique éloignée de l’orifice. Les kystes de Naboth apparaissent comme des nodules bombés, blanc bleuté ou tirant sur le jaune, à la paroi lisse et fragile présentant des vaisseaux sanguins ramifiés. Chez certaines femmes, les kystes de Naboth peuvent grossir et provoquer une déformation du col utérin. Toutefois, ce n’est que très rarement qu’ils s’ulcèrent et se nécrosent. Un polype cervical se présente sous l’aspect d’une masse lisse de couleur rouge sombre ou blanc rosé, qui fait saillie hors du canal endocervical en se projetant au-delà de l’orifice externe. On peut parfois confondre un polype cervical nécrosé avec un cancer du col. Les cicatrices obstétricales font penser à des sortes de petites déchirures au niveau des lèvres du col, avec un orifice externe de forme irrégulière. La leucoplasie se traduit sur le col par la présence d’une lésion blanche à la surface lisse, qui ne peut pas être enlevée ou grattée. Quant aux condylomes cervicaux, ils ont l’aspect de zones surélevées, blanc gris, situées à l’intérieur ou à l’extérieur de la zone de remaniement dans l’épithélium pavimenteux. Ils peuvent s’accompagner de lésions similaires dans le vagin et sur la vulve.

Recherchez également sur le col la présence de petites cloques remplies de liquide ou de petites ulcérations. On distingue parfois sur le col, de larges zones d’érosion rouges qui peuvent s’étendre au vagin en cas d’infection cervicale grave et d’inflammation. Certains signes doivent plus particulièrement retenir votre attention : le saignement du col notamment au toucher, ou la présence d’une masse ulcéroproliférative. En effet, à un stade très précoce, le cancer invasif peut se manifester sous l’aspect d’une zone granuleuse, rugueuse et rougeâtre, saignant parfois au toucher. A un stade plus avancé, les cancers invasifs peuvent se présenter sous la forme d’une tumeur exophytique volumineuse ayant l’aspect d’une masse ulcéroproliférative bourgeonnante émergeant du col et comportant des excroissances papillaires ou polypoïdes. Ils peuvent également se traduire par la présence d’une excroissance suspecte essentiellement ulcéreuse, envahissant la quasi totalité du col. Dans les deux cas, le saignement au toucher et la nécrose constituent les caractéristiques cliniques prédominantes. On constate fréquemment un écoulement nauséabond dû à une surinfection. Parfois, le cancer invasif se manifeste sous forme d’une lésion infiltrante. Le col est alors irrégulier et hypertrophié.

Après avoir soigneusement noté les résultats de ce premier examen visuel, badigeonnez le col délicatement, mais généreusement, de soluté de Lugol à l’aide d’un écouvillon de coton. Prenez garde à ne pas tacher les vêtements de la patiente ou vos propres vêtements avec l’iode ! Après avoir retiré l’écouvillon, examinez attentivement le col à la recherche de zones iodo-négatives (non-imprégnées par l’iode), c’est à dire celles qui sont d’une teinte blanc pâle ou blanc jaunâtre, en particulier dans la zone de remaniement, près de la jonction pavimento-cylindrique. Une fois l’inspection visuelle terminée, on éliminera à l’aide d’un coton sec, l’excès d’iode qui s’est accumulé dans les culs de sac vaginaux

Fin de l’examen Les écouvillons usagés, les compresses et autres déchets, doivent être jetés dans le sac poubelle en plastique.

Retirez doucement le spéculum et examinez les parois du vagin à la recherche de condylomes ou de lésions iodo-négatives. Avant d’ôter vos gants souillés, immergez brièvement les mains dans une bassine contenant une solution de chlore à 0.5% dont la préparation est décrite en Annexe 4. Décontaminez les gants usagés en les faisant tremper 10 minutes dans un seau en plastique contenant également une solution de chlore à 0.5%.

De la même façon, le spéculum et les instruments utilisés pour l’IVL doivent être décontaminés par immersion dans une solution de chlore à 0.5% pendant 10 minutes, avant d’être nettoyés au détergent et à l’eau. Le matériel ainsi nettoyé pourra être réutilisé après stérilisation à l’autoclave ou désinfection de haut niveau par immersion dans l’eau bouillante pendant 20 minutes.

Consignation des résultats et notification à la patiente Consignez soigneusement les résultats du test dans le formulaire de compte-rendu (Annexe 3). Expliquez les résultats du test à la patiente, en lui exposant également les différentes possibilités de suivi. Si le test s’avère négatif, on rassurera la patiente et on lui conseillera de répéter le test dans cinq ans. En revanche, si le test est positif, elle sera orientée vers d’autres examens tels qu’une colposcopie et une biopsie, ou vers un traitement dans le cas de lésions confirmées. Si on soupçonne un cancer invasif, elle devra être orientée vers un service doté de l’infrastructure nécessaire au diagnostic du cancer et à son traitement.

Compte-rendu de l’IVL
Les Figures 3.1 à 3.21 présentent les différents aspects observés lors d’une IVL.
IVL négative (-) : Le dépistage par IVL est considéré négatif lorsqu’on constate après l’application d’iode:
  • Un col normal : l’épithélium pavimenteux se colore en brun acajou ou noir, tandis que l’épithélium cylindrique ne change pas de teinte (Figure 3.2)..
  • Des plages iodo-négatives inhomogènes, peu distinctes et mal définies, qui restent incolores ou qui ne prennent que partiellement la coloration brune à l’iode (Figures 3.3-3.6).
  • La présence sur les polypes de zones pâles qui ne prennent pas, ou seulement partiellement, la coloration à l’iode (Figure 3.7).
  • Un aspect en peau de léopard associé à l’infection à T. vaginalis (Figure 3.8).
  • Des zones iodo-négatives de la forme et de la taille d’un grain de poivre, dans l’épithélium pavimenteux, loin de la jonction pavimento-cylindrique (Figure 3.9)
  • Des lésions satellites iodo-négatives, minces, jaunes, aux marges digitiformes ou anguleuses, semblables à des régions géographiques, éloignées de la jonction pavimento-cylindrique (Figure 3.10).

fig 3.1: Inspection visuelle avec le soluté de Lugol (IVL).


fig 3.2:
IVL négative: L’épithélium pavimenteux est noir, tandis que l’épithélium cylindrique ne change pas de teinte après l’application d’iode.

fig 3.3:
IVL négative: On distingue des plages iodo-négatives mal définies, inhomogènes éparpillées sur tout le col ; elles ne se limitent pas à la zone de remaniement. Cet aspect traduit une inflammation du col.

fig 3.4:
IVL négative: On distingue des zones mal définies, inhomogènes, iodo-négatives (flèches étroites) ou partiellement imprégnées par l’iode (flèches épaisses).

fig 3.5:
IVL négative: L’épithélium pavimenteux reste brun. On distingue dans la zone de remaniement des plages irrégulières iodo-négatives ou partiellement imprégnées par l’iode, correspondant aux zones de métaplasie pavimenteuse immature et d’inflammation.

fig 3.6:
IVL négative: On distingue des zones inhomogènes, mal définies, iodo-négatives (flèche étroite) et des zones partiellement imprégnées par l’iode (flèches épaisses).

fig 3.7:
IVL négative: On distingue sur le polype, des zones iodo-négatives (flèche étroite) et des zones partiellement imprégnées par l’iode (flèche épaisse). L’épithélium pavimenteux est noir.

fig 3.8:
IVL négative: Plages iodo-négatives, inhomogènes, éparpillées sur tout le col, non limitées à la zone de remaniement. Cet aspect est caractéristique d’une cervicite chronique.

fig 3.9:
IVL négative: On distingue dans l’épithélium pavimenteux, des zones iodo-négatives de la taille de grains de poivre. Cet aspect traduit une ulcération cervicale consécutive à une inflammation.

fig 3.10:
IVL négative: Des zones iodo-négatives, jaunes et irrégulières, se détachent de la jonction pavimento-cylindrique pour constituer des lésions ‘satellites’.

IVL positive (+) : Le résultat du test est positif lorsqu’on observe dans la zone de remaniement des zones iodo-négatives denses, épaisses, brillantes, jaune moutarde ou safran, proches ou accolées à la jonction pavimento-cylindrique, ou proches de l’orifice externe si la jonction n’est pas visible (Figures 3.11-3.15). Le test IVL est également considéré positif quand le col devient entièrement jaune (Figure 3.16).

fig 3.11:
IVL positive: On distingue sur la lèvre antérieure, une zone iodo-négative jaune safran, accolée à la jonction pavimento-cylindrique.

fig 3.12:
IVL positive: On distingue sur la lèvre antérieure, une lésion iodo-négative jaune moutarde, au contact de la jonction pavimento-cylindrique.

fig 3.13:
IVL positive: On distingue sur la lèvre antérieure, une zone iodo-négative jaune moutarde, accolée à la jonction pavimento-cylindrique.

fig 3.14:
IVL positive: On distingue sur la lèvre antérieure, une zone dense, iodo-négative, jaune moutarde, aux marges irrégulières et anguleuses, accolée à la jonction pavimento-cylindrique

fig 3.15:
IVL positive: On distingue sur les lèvres antérieure et postérieure, des zones iodo-négatives jaune moutarde, pénétrant dans le canal endocervical.

fig 3.16:
IVL positive: On distingue une importante zone iodo-négative jaune safran, très dense, à la surface irrégulière, affectant les quatre quadrants du col et pénétrant dans le canal endocervical.

IVL positive, cancer invasif : Le cancer invasif se caractérise par la présence sur le col, d’une masse ulcéroproliférative, bien distincte, irrégulière et nodulaire, qui devient franchement jaune après l’application d’iode (Figures 3.17-3.19).


fig 3.17:
IVL positive, cancer invasif: On distingue une zone iodo-négative jaune moutarde, dense, épaisse et étendue, à la surface irrégulière, qui affecte tous les quadrants du col. L’orifice externe est recouvert.

fig 3.18:
IVL positive, cancer invasif: On distingue une lésion nodulaire jaune moutarde, étendue, épaisse et irrégulière, évocatrice d’un cancer invasif.

fig 3.19:
IVL positive, cancer invasif: On distingue sur le col, une zone jaune moutarde, épaisse et étendue, présentant une surface irrégulière et nodulaire.

Auto-évaluation des agents de santé effectuant l’IVL Les agents de santé qui effectuent ce test sont vivement encouragés à corréler les résultats de leur IVL avec ceux de l’histologie (si l’analyse a été faite). Un praticien suffisamment expérimenté classe environ 10 à 15% des femmes examinées dans la catégorie IVL positive, et chez 20 à 30% d’entre elles, on diagnostiquera une CIN, tous grades confondus.

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